Les régions viticoles ont toutes leurs grands-messes : Bordeaux a ses primeurs, la Bourgogne a sa vente aux Hospices de Beaune et le Beaujolais, son Beaujolais Nouveau, qui arrive sur les tablettes aujourd’hui partout dans le monde.
À la campagne « noir et blanc » signée Ben de l’an dernier (par ailleurs plutôt bien reçue par les consommateurs), Inter Beaujolais oppose cette année les couleurs éclatantes d’un traitement « pop art », avec une affiche bigarrée et un TOP! façon bande dessinée.
On s’étonnera sans doute de ce traitement warholien renvoyant, en tons fluos, à une perception industrielle du vin, pourtant si décriée, encourageant les idées reçues d’un produit ‘artificiel’ formaté « goût banane » que le contexte médiatique récent a justement attisé (Cf. le reportage Envoyé Spécial couvert ici).
Alors la cible jeune saura-t-elle se reconnaître dans cette image festive du Beaujolais Nouveau et ainsi renouveler la clientèle vieillissante d’un produit qui a bien besoin d’une cure de Jouvence ? L’image résolument festive et conviviale du Beaujolais Nouveau est-elle compatible avec celle des crus complexes et raffinés et de la région ? Les questions méritent d’être posées…
La notoriété de vin facile et peu qualitatif du Beaujolais Nouveau mine depuis des années la réputation de la région entière et pourtant, on s’évertue tous les ans à vanter les mérites du petit cadet. Que faut-il faire pour permettre aux deux images de cohabiter pacifiquement et au Beaujolais de communiquer à la fois sur le côté festif de son vin nouveau et sur la qualité indéniable de ses crus ?
Un élément de réponse se trouve peut-être dans la promotion des vins nouveaux élaborés par les vignerons les plus talentueux de la région. J’ai pour ma part succombé au fruit croquant et juteux de la délicieuse cuvée Les Griottes 2009 de Pierre-Marie Chermette, qui m’a fait découvrir le Beaujolais Nouveau de cette année sous un jour différent. Et si ceux qui savent bien faire mettaient tout leur talent à l’œuvre pour le Beaujolais Nouveau ? On permettrait ainsi à nombre de consommateurs de découvrir, à travers un vin dont on vante à juste titre l’accessibilité, le talent de vinificateurs qui travaillent d’arrache-pied pour faire connaître toute la richesse de la région et de ses crus.
C’est du reste dans cet esprit que nous avions travaillé à promouvoir les nouveaux du trio Jean-Paul Brun, Jean-Claude Lapalu et Jean-Marc Burgaud pour Lafayette Gourmet (voir la campagne de teasing ici et le visuel institutionnel ici) en cherchant à rompre avec les idées reçues. Car il n’y a pas UN Beaujolais Nouveau mais bien DES Beaujolais Nouveaux et autant de Beaujolais Nouveaux que de vignerons pour les élaborer.
Pour stopper la chute libre de la perception de valeur et raviver l’engouement pour le Beaujolais Nouveau et la région toute entière, il faut sans doute communiquer sur le talent des vignerons qui arrivent à élaborer des vins festifs et faciles d’accès pour le 3e jeudi de novembre et des crus fins et raffinés pour le reste de l’année… Particulièrement lorsque le crédo actuel (lire Le Beaujolais en quête d’une nouvelle image pour enfin sortir de la crise) est de faire du vin nouveau « le porte-drapeau » de la qualité des autres vins !
Que l’arrivée du Beaujolais Nouveau soit une fête est une bonne chose en soi (surtout dans ce mois de novembre souvent si terne), mais il faut s’assurer qu’il donne aussi envie aux consommateurs de partir à la découverte des autres crus de la région, du Moulin-à-Vent au Fleurie, en passant par les jolis blancs vifs et frais qu’on a tendance à oublier…
Philippe-Alexandre
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