Avec quelques jours de recul, je rebondis sur les nombreuses réactions parues dans la presse et sur la blogosphère suite à la diffusion il y a quelques jours sur France 2 au sein de l'émission Envoyé Spécial d'un reportage intitulé "Le vin est-il toujours un produit naturel ?"
Objet de la polémique : le reportage dresse un portrait accablant de la viticulture française, l’accusant de tous les maux et en particulier de recourir à des méthodes discutables quant à l’utilisation de pesticides et à l'ajout de nombreux produits chimiques lors de son élaboration.
Au-delà de l’objectivité journalistique douteuse des auteurs du reportage -cf. les images doublées d’une musique de fond digne des plus grands films d’épouvante-, que faut-il retenir de ce genre de traitement du sujet "vin" ?
Dans un premier temps, force est de constater que le sensationnalisme et la paranoïa demeurent des moyens efficaces pour faire passer un message au grand public. « Buveurs de vin, on vous spolie ! Le vin que vous buvez est bourré d’additifs chimiques et de produits de synthèse… » Après la psychose de la grippe A, va-t-on assister à un délire comparable lors de la prochaine campagne pour les beaujolais nouveaux ? Bien évidemment, quand on cherche à jeter le bébé avec l’eau du bain, on arrive rapidement à ce genre de conclusions à l’emporte-pièce qui nuisent autant à la filière viticole, montrée du doigt, qu’aux journalistes qui profèrent de telles accusations…
Toutefois, on peut aussi voir ce reportage comme le vecteur d’une réflexion un peu plus poussée sur la nature du vin (et sur les vins nature, mais c’est un tout autre sujet !) et sur le statut qu’a le jus de raisins fermenté en France. En d’autres mots, le vin doit-il être considéré comme un produit alimentaire ? Ici, le vin est traité comme le serait n’importe quel aliment : il aurait tout aussi bien pu être question des pesticides sur les salades que des OGM dans le maïs. Or, aux yeux de la loi française, le vin n’est toujours pas considéré comme un produit alimentaire -le sujet est toujours au cœur d’âpres débats dans l’hémicycle du Sénat.
Cette particularité place le vin dans une catégorie bien à part, quelque part entre l’aliment au sens stricto sensu et la drogue meurtrière que les réformes engagées par Roselyne Bachelot ont passé bien près de nous faire croire qu’il était. Puisqu’il est évident qu’il n’a rien à faire dans la seconde catégorie, le reportage d’Envoyé Spécial aura au moins eu le mérite, de par son traitement du sujet -dommage que la teneur des propos ait été si sombre !-, de le rapprocher de la première, ce qui ne peut pas être une mauvaise chose en soi.
Enfin, devant toutes les réactions soulevées par ce reportage, il me semble qu'on ne peut que se réjouir de la réactivité et du dynamisme de la filière vitivinicole lorsqu’il s’agit de défendre le vin et sa culture. Face à des accusations comme celles lancées ici, il me parait décidément vital que les acteurs de la filière parviennent à mettre de côtés leurs différends et à parler haut et fort d’une seule et même voix pour faire entendre leur position.
Philippe-Alexandre
Photos SD, droits réservés
Bonjour Philippe-Alexandre,
Ceux qui connaissaient les pratiques dans les vignobles, mais aussi dans les chais ne sont nullement choqués par ce reportage. Cela étant dit, mélanger une problématique telle que celle des pesticides avec la question de la chaptalisation peut induire en erreur. On ne peut mettre sur un même pied les thématiques des levures, du sucre additionnel, du SO2, des agents de fermentation et de macération ainsi que les pesticides. Et c'est bien là (et uniquement là) que le reportage pêche.
Pour ce qui est du consommateur, la donne est différente. En tant que consommateur, soucieux de ma santé présente et future, il est clair que le vin est un produit alimentaire. A ce titre la composition chimique est une donnée fondamentale, d'autant qu'elle peut renseigner les vrais passionnés sur l'état des vignes et du raisin dont a été issu le vin qu'ils désirent boire.
Ayant grandi entouré de vignes, ayant connu des viticulteurs foudroyés en pleine force de l'âge, et en tant que buveur de vin moi-même j'opterai toujours pour la transparence. Car c'est sur ce terrain que tout se joue désormais. J'espère que des passionés -communicants qui plus est- comme vous feront avancer les choses, car au final ceci est bien plus important que l'histoire des copeaux versus barriques !
Rédigé par : Thomas Esdaile-Bouquet | 27 octobre 2009 à 13:04